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Le lent développement de l’agro-écologie en Uruguay

Nous avons passé le mois d’Avril en Uruguay. Ce pays coincé entre l’océan Atlantique et les deux géants que sont l’Argentine et le Brésil se caractérise par une faible population (3,2 millions d’hab) et une superficie d’environ la moitié de la France. Plus de 50% de la population vit autour de la capitale, Montevideo. Ce mois de voyage a été l’occasion d’aller à la rencontre du développement de l’agriculture agro-écologique en Uruguay. Nous avons été amené à rencontrer une grande diversité de personnes (agronomes, producteurs, écoles, professeurs, centre de recherche) ce qui nous a permis de mieux comprendre le faible développement de ces pratiques.

 

Une production biologique ou naturelle fébrile

En arrivant à Montevideo nous avons recherché des points de vente de productions biologiques. Nous avons pu constater qu’il y en a peu, alors que la population uruguayenne a un bon niveau de vie. L’Uruguay est un pays très connu pour sa production de viande bovine. Les espaces étant vastes et la population limitée, les grands espaces sont propices à l’élevage extensif de grands troupeaux de vaches dans la pampa. Ainsi, il y a peu de tradition à cultiver des fruits et des légumes dans ces régions. Le savoir-faire paysan est peu présent en dehors de la ganadéria (élevage de bétail). Il est donc difficile d’imaginer le savoir-faire biologique. La formation agricole est très peu orientée vers l’agriculture biologique (AB). Nous avons été visiter le centre national d’expérimentation en agriculture (INIA) équivalent de notre institut national de recherche agronomique (INRA).  Cette rencontre avec le responsable de la production fruitière et des projets agro-écologique a été riche. Nous avons très vite compris que peu de recherche sont réalisées par les institutions de l’état afin de développer la production biologique. Le lobbying des très grandes multinationales comme Monsanto ne favorise en rien le développement d’une production agricole plus respectueuse de l’environnement et sans semences transgéniques.

Nous constatons que la majorité des producteurs biologiques rencontrés ne vivent pas de leur production. Ainsi, nous avons passé 2 jours chez Gonzalo Vega ancien technicien agricole en conventionnel, puis maraicher en AB pendant 7 ans et qui par manque de rentabilité est aujourd’hui professeur d’agriculture à l’école de Pirianopolis. Il cultivait 1ha en maraichage biologique et vendait toute sa production dans les zones touristiques sur la côte. Il nous raconte : «  pour vivre vraiment de l’AB ici il faut passer à un stade supérieur avec plus de surface. Ceci implique une main d’œuvre supplémentaire. J’étais tout seul et je suis tombé malade donc j’ai arrêté et aujourd’hui je suis prof et cela me plait de transmettre mon expédience aux plus jeunes ! » 

L’une des grandes difficultés que nous avons noté, est l’absence d’organisation de filière de biologiques. Peu de groupes de producteurs sont réellement organisés afin d’échanger des techniques ou commercialiser en commun ! Nous avons participé  à la 6ème rencontre nationale des semences Criolla (libre) et de l’agriculture familiale. Lors de cette rencontre des échanges de semences sont réalisés afin de protester contre le monopole et la marchandisation des semences mise en place par les multinationales. Nous constatons que les producteurs présents sont à la recherche de connaissances techniques afin de produire réellement selon les règles de la production biologique ! Ce manque de connaissances des producteurs est un des freins principal au développement de la production uruguayenne !  Il n’y a pas de politique forte du gouvernement afin de développer ce mode de production.

L’école agricole de Pirianopolis : un bon exemple de l’apprentissage agro-écologique

 

Les échanges avec les élèves durant 3 jours dans cette école sur les différents modes de production en France ont été très riches. Nous avons découvert que cette école dispense 10h de travaux pratiques agricoles pour les élèves de cette branche. Ainsi 2 jours par semaines ils participent aux activités de plantation et d’entretien du potager. Les élèves ont à leur disposition une serre, des espaces de plantation, une pépinière et des espaces dédiés à des projets d’étudiant. Nous trouvons fantastique que ces jeunes qui étudient l’agriculture puissent vraiment le mettre en pratique. Ils ont ainsi des compétences pratiques et théoriques très jeune et peuvent continuer les études et devenir agronome. Ainsi, ces agronomes ont des bases techniques solides, ce qui manque au système français. 

L’Uruguay a donc aujourd’hui semble-t-il quelques lacunes pour permettre le développement de l’AB cependant des expériences comme l’école agricole ne peut que nous encourager à penser que l’enseignement de nouvelles pratiques et l’organisation d’événement comme la fête des semences vont permettre le développement et la vulgarisation autour de pratiques agricoles plus respectueuse de l’environnement et une agriculture plus humaine.

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2ème passage en Uruguay !

Nous vous proposons un article sous forme d’entretien avec Miguel Balzo un ami agronome Uruguayen qui gère une école d’agroécologie.

 

Quelles sont les origines de “la Escuela Granja  Agroecologica Naturaleza y Vida” et quelles sont ses objectifs ?

 

Ce projet a commencé en 1989 par le montage d’une première école technique à Piriapolis. Le but était de former de futurs formateurs aux techniques de l’agroécologie en les faisant travailler selon 3 modules : le potager de 45m² type potager familial, la parcelle de 0,5 ha et jusqu’à l’exploitation de 5ha. Les cours incluaient montage de projet, diagnostic et auto construction. Ce projet dépend de financements de l’église catholique. Ce projet a bien fonctionné les premières années et pour diverses raisons financières et décisionnelles, il a perdu de la vitesse. 

En 2005, j’ai été réengagé pour mettre en place une nouvelle école en zone périurbaine. Les formations étaient orientées autour du module de parcelle de 45m². Les participants étaient logés sur le site. Les frais étant trop importants, j’ai aussi proposé de me déplacer dans des écoles et des centres de formation pour enfants et jeunes adultes et dispenser des formations en agroécologie.

En 2015, nouveau changement de site. L’école composée d’une parcelle d’1ha, se situe dans les quartiers difficiles en périphérie de Montévidéo. Aujourd’hui, les actions se concentrent sur la mise en place de potagers dans des écoles et centres éducatifs autour de la capitale. Cette année : 9 écoles, 1 centre de jeunesse et une polyclinique font partie du projet. Les financements d’intervention viennent de l’église catholique et du Ministère de l’éducation et de la culture. Les objectifs sont donc de promouvoir le développement de l’agréocologie et d’une alimentation saine.

 Comment s’organise les interventions ?

Une fois par semaine j’interviens dans chaque école. Le but est d’implanter un potager et de cultiver avec les enfants. Le potager est le support pédagogique pour de nombreuses domaines d’enseignement (mathématique, biologie…). C’est l’occasion de travailler autour du respect individuel, du travail en groupe et de la nature. L’organisation des interventions dépend fortement de l’implication des maitresses et des élèves

Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec des enfants ?

Je pense que les changements doivent venir de la base. Au travers de l’éducation des enfants, je souhaite atteindre les parents. Certains enfants mettent en place  chez eux un petit potager et ainsi améliorent l’alimentation de la famille.

 

Y’a-t-il un travail spécifique sur l’alimentation ?

Oui, l’alimentation est essentielle. On compte 250 000 plantes comestibles et seulement 70 sont consommées habituellement. Ainsi, avec les élèves nous faisons l’exercice de dénombrer la diversité de l’alimentation et nous arrivons péniblement à 50 plantes. En majorité la diète de ces familles est peu diversifiée et composée essentiellement de pommes de terre, patates douces, laitues, tomates et blettes. Le potager en milieu scolaire est donc l’occasion de montrer la diversité des aliments et la facilité de les produire sainement. Nous réalisons ainsi avec les instituteurs des confitures, par exemple. Je travaille aussi avec eux sur la reconnaissance et l’utilisation des plantes médicinales. J’essaie aussi de parler des aliments néfastes pour la santé et pourtant très consommés dans ces quartiers (type fast-food) afin de faire de la sensibilisation et inciter à la consommation de fruits et légumes biologiques.

 

Le travail est-il le même dans tous les établissements ?

Non, il est très varié et je m’adapte à la motivation et moyens des écoles. Ainsi, certaines ont des espaces de production type friche que l’on valorise et que je travaille avec mon tracteur. D’autres sont limitées à des cours bétonnées et dans ce cas je cherche à développer des productions plus adaptées à la zone urbaine, type jardinière, production dans des matériaux recyclés. Dans d’autres écoles très motivées, nous avons mis en place une station météo et un service de gardien de l’environnement où un groupe d’élèves est responsable de la propreté de l’établissement.

Quel est le projet sur le site même de votre école ?

A ce jour, ce lieu est démonstratif. Une partie de la production est vendue pour l’autofinancement. Les surplus sont offerts aux écoles pour améliorer le service de restauration. Je souhaite former de nouveau des formateurs en agroécologies en réhabilitant les bâtiments existants. L’idée est aussi de conduire un travail plus personnalisé avec certains élèves de primaires qui sont en grande difficulté sociale pour les accueillir quelques jours par semaines en lien avec la direction de l’école. Ceci permettra d’avoir des résultats plus rapide dans les changements de comportement des enfants.

 

La production agrécologique a toujours été pour moi un support de pédagogie et non une fin en soi de production.

 

Merci à Miguel pour nous avoir reçu !

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